Avoir un emploi, de l’argent, un titre de séjour, une famille… les personnages des films des frères Dardenne mènent une lutte acharnée pour se faire une place dans une société hostile. En cela, le cinéma des Dardenne s’inscrit dans une longue tradition qui trouve sa source dans Les Lumières de la ville de Chaplin. Mais parce que la société qu’ils dépeignent est à l’image du monde qui nous entoure, les critiques ont tendance à privilégier une lecture “sociale” ou “socio-réaliste” d’un cinéma où, il me semble, la portée éthique et métaphysique est pourtant centrale.
Pour restituer de manière satisfaisante mon expérience de spectateur devant ces films, il m’a donc paru essentiel de rédiger un texte qui tenterait de tisser un fil entre l’esthétique réaliste des Dardenne et la portée éthique de leur cinéma. Une confrontation avec l’ensemble de leur œuvrem’a permis de dégager deux motifs que l'on retrouve dans toute leur filmographie : la quête obstinée et égoïste d’une reconnaissance sociale, qui est vouée à l’échec, et l’avènement soudain et imprévisible d’une autre forme de reconnaissance, plus fondamentale que la première, d’ordre éthique.
Mais il faut tout un parcours au héros ou à l’héroïne pour dépasser l’échec de sa lutte solitaire d’intégration sociale, et parvenir à prendre en compte la présence des autres en tant qu’individus qui peuvent l’aider. En croisant les films entre eux, ceux des Dardenne, mais aussi des films de Bresson, Ford, Capra dont ils sont les héritiers, en analysant en détail l’esthétique de certaines séquences ou de certains plans, en étudiant plus globalement la manière dont sont construits les scénarios, j’ai tenté de décrire ce parcours à la lumière des philosophes auprès desquels les Dardenne puisent leur inspiration : Hobbes, Marx, Mauss, Cavell, et bien sûr Levinas que Luc Dardenne a rencontré et dont les frères se considèrent comme des disciples.
Pour lire ce texte, merci de m'écrire à ekhalfallah at gmail.com.